Dans une lettre adressée aux commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, la Contrôleure générale de lieux de privation de liberté (CGLPL) Adeline Hazan alerte sur la menace que représente le projet de loi « pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif »sur les droits fondamentaux des étrangers, dont la santé.
Les députés commencent en commission ce mercredi 4 l’analyse du texte présenté par Gérard Collomb et des… 900 amendements, avant l’examen dans l’hémicycle à partir de 16 avril.
Urgence d’une amélioration des conditions de rétention
Adeline Hazan s’indigne de l’allongement de la durée de rétention d’une personne en situation irrégulière en passe d’être éloignée, alors que 32 jours seraient « amplement suffisants » et que les 45 jours en vigueur « sont inutilement longs ». Leur doublement « n’aura pour effet qu’une détérioration supplémentaire de leur situation », écrit-elle. A fortiori dans des conditions « déplorables d’hébergement et d’hygiène, caractérisées par la privation de moyens de communication, un accès défectueux à la santé, et l’absence totale d’activité », dénonce Adeline Hazan.
Elle déplore le recours excessif à la visioconférence, « au mépris des droits de la défense », et sans recueil systématique du consentement des personnes. Et d’attirer l’attention des parlementaires sur l’urgence d’une amélioration des conditions de rétention, y compris dans le cadre de la durée actuelle.
La CGLPL remet aussi en cause le principe d’enfermement des mineurs « en raison des traumatismes qu’il provoque et des bouleversements qu’il entraîne dans les rapports entre parents et enfants ». Le projet de loi ne dit rien sur la rétention des enfants. Mais ils sont de plus en plus nombreux à être enfermés dans des centres de rétention administrative (CRA) : de 41 en 2013 à 305 en 2017. Adeline Hazan invite les parlementaires à introduire dans le projet de loi l’interdiction de cet enfermement.
Fermeture du centre de premier accueil de la Chapelle
L’examen du projet de loi intervient alors que la situation des migrants à Paris ou à Calais inquiète toujours associations et observateurs.
À La Chapelle, dans le nord de Paris, le centre de premier accueil vient de fermer, pour laisser la place à la construction de la future université Condorcet… Alors que près de 2 000 personnes dorment le long des quais. Les migrants devraient désormais être hébergés dans des centres d’accueil et d’évaluation des situations (CAES), avec 750 places prévues en Ile-de-France (contre 450 dans ce CPA) – mais avec quelle qualité d’accueil ? Et qu’adviendra-t-il des Dublinés ? S’interrogent les associations. En attendant, les conditions « sont pires qu’à La chapelle car les endroits sont isolés et enclavés », dénonce Louis Barda de Médecins du Monde.
Depuis son ouverture en novembre 2016, le CPA a accueilli 25 300 personnes : 19 hommes ont été hébergés dans le centre, et 3 500 mineurs et 2 800 femmes ont été orientés vers des dispositifs adaptés (comme Ivry). « Une innovation majeure a été d’installer un pôle santé au centre même. On a vu arriver des gens éprouvés par leur parcours, souffrant de pathologies ou de problèmes psy, et qui n’avaient pas vu de médecin depuis des mois », souligne Bruno Morel, directeur général d’Emmaüs Solidarité, gestionnaire du site. Le pôle a dispensé 8 000 bilans infirmiers, 6 000 consultations médicales, et 1 000 consultations psy.
Droits de l’homme bafoués à Calais
À Calais, les conditions de vie des migrants sont « inhumaines », tance Léo Heller, rapporteur spécial de l’ONU. « Ils logent dans des tentes, sans toilettes, et se lavent dans des eaux polluées d’une rivière ou d’un lac », signale-t-il, estimant que les efforts faits, ne sont pas suffisants.
« La France viole ses obligations internationales en matière de droits de l’homme », écrit son collègue Felipe Gonzalès Morales. Les experts de l’ONU appellent le gouvernement à cesser l’intimidation des bénévoles et membres des ONG, et à promouvoir le travail des défenseurs des droits de l’homme.