Médecins du monde lance le 29 février sa nouvelle campagne de mobilisation en vue d’interpeller les candidats aux élections de 2012. Pour l’organisation non gouvernementale, les questions de santé peinent à émerger des débats électoraux. Entretien avec Olivier Bernard, président de Médecins du monde.
Vous lancez le 29 février une campagne qui interpelle les Français avec cette question : « Le meilleur système de santé au monde ? ». Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?
En France, nous avons longtemps tenu pour acquis que nous avions le meilleur système de santé au monde. Nous en sommes aujourd’hui bien loin. Avec cette campagne, nous souhaitons partager les constats préoccupants que nous faisons chaque jour sur le terrain. Le sujet de la prise en charge mère-enfant nous semble particulièrement refléter les dysfonctionnements de notre système de santé. Par exemple, 68% des femmes enceintes qui nous consultent n’ont pas accès aux soins prénataux et deux tiers des enfants ne sont pas à jour de leurs vaccinations. Autre constat : un quart des personnes prises en charge par nos équipes se font soigner trop tardivement avec des symptômes qui se sont aggravés. Si ces problèmes se rencontrent auprès de ceux qui vivent à la marge de notre société, des plus précaires, nous commençons également à les observer dans la population générale.
Comment en est-on arrivé là ?
Au-delà des problèmes de notre système de santé, il existe des mesures politiques qui rendent malade. C’est le cas de la stigmatisation dont ont fait l’objet les roms par exemple. Nous pouvons affirmer que cette stigmatisation a été néfaste pour leur santé. Beaucoup d’entre eux ne viennent pas se faire soigner dans nos centres car ils ont peur de se faire arrêter. La remise en cause des séjours pour soins des étrangers ainsi que les expulsions sans relogement ont également des répercutions sur la santé. Enfin, les questions financières et administratives restent fondamentales. Beaucoup de personnes dans le besoin ont du mal à comprendre le dispositif de l’Aide médicale d’Etat (AME) ou n’ont pas les moyens de payer les 30 euros de droit d’entrée pour y accéder. L’augmentation des forfaits, la création des franchises médicales ou encore les dépassements d’honoraires posent également des problèmes d’accès aux soins.
Que demandez-vous aux candidats aux élections de 2012 ?
Nous leur demandons qu’ils affirment leur attachement à un système de santé solidaire, c’est-à-dire qui permette à toute personne d’accéder à des soins de qualité. D’un point de vue plus concret, nous demandons la suppression immédiate du droit d’entrée de 30 euros à l’AME. Cette mesure instaurée en 2011 est financièrement inefficace et représente un vrai frein à l’accès aux soins des plus démunis. Voilà pour le traitement d’urgence. Pour le traitement de fond, nous souhaitons fusionner l’AME dans la couverture maladie universelle (CMU) afin de créer un seul et unique dispositif de prise en charge qui permette à chacun de disposer d’une carte vitale. Ce système serait plus simple pour les bénéficiaires, mais également pour les professionnels de santé. Enfin, nous voulons mettre fin aux expulsions sans qu’une solution de relogement ne soit proposée.
Propos recueillis par Philippe Rémond