Médecins du Monde dénonce la situation de « parias » faite aux Roms

PARIS (AP) — Un an après le discours sécuritaire de Nicolas Sarkozy à Grenoble, dans lequel il annonçait sa volonté de « mettre un terme aux implantations sauvages de campements roms », Médecins du Monde dénonce la situation de « parias » faite à cette population. Depuis l’été 2010, les expulsions se sont intensifiées, avec pour seul effet une « précarité » et une « stigmatisation » accrues, ainsi qu’un « éloignement des structures de soins et de scolarisation », selon l’ONG.

MDM, qui présentait mardi lors d’une conférence de presse à Paris un rapport sur l’accès à la vaccination de cette population en France, estime que 15.000 Roms sont présents sur territoire, « majoritairement originaires de Roumanie et de Bulgarie », et évalue à 10.000 le nombre de reconduites à la frontière par an, deux chiffres qui « restent relativement stables d’année en année », selon l’ONG, tout simplement parce que les personnes expulsées reviennent.

« Ce qu’a provoqué le discours de Grenoble », c’est « une aggravation de la situation de ces personnes et des expulsions des lieux de vie -pas du territoire- plus fréquentes et plus dures », avec un « éloignement des structures de soins et de scolarisation », a dénoncé le président de Médecins du Monde, Olivier Bernard, lors d’une conférence de presse.

Cette situation est d’autant plus « alarmante », selon l’association, que les chiffres d’une précédente enquête de 2008 montrent qu’une femme rom sur dix « est suivie durant sa grossesse », que la mortalité néonatale « est neuf fois plus importante » et la mortalité infantile « cinq fois plus importante » dans cette population que la moyenne française.

Parmi les conséquences, le directeur des missions France de MDM, Jean-François Corty, parle aussi de difficultés d’accès à « l’eau propre et à la nourriture ». « Je peux vous assurer que l’on voit des gens qui ont faim », a-t-il dit. Quant à l’accès à la santé, « les expulsions répétées interrompent les campagnes de vaccination, y compris pendant les périodes d’épidémies », a-t-il ajouté.

Au travers de son enquête sur la vaccination, menée de juillet 2010 à juin 2011 auprès de familles de Roms vivant dans des caravanes ou des squats dans quatre villes (Nantes, Bordeaux, Marseille et Strasbourg), avec un panel de 281 personnes de moins de 30 ans, MDM souligne que seules 38,5% des sondés « disposaient au jour de l’enquête d’un carnet de santé ou d’un document attestant des vaccinations déjà effectuées », quasiment toutes mineures.

« Sur la totalité des personnes disposant d’un carnet de santé, les intervenants de MDM ont estimé que le calendrier vaccinal était à jour pour 25% d’entre elles », selon l’association. « De façon générale, pour l’ensemble de la population interrogée, les intervenants de MDM ont pu s’assurer que le calendrier vaccinal était à jour pour seulement 8% des personnes ».

L’étude note aussi que « seule la moitié des personnes relevant théoriquement d’un dispositif de couverture maladie a effectivement des droits ouverts ». Et parmi les enfants, ceux « suivis en PMI (service de Protection maternelle et infantile) ou scolarisés sont logiquement mieux protégés et de fait vaccinés ». Mais « seuls six enfants sur dix » âgé de 6 à 16 ans sont scolarisés et « seul un tiers des enfants de moins de six ans est suivi en PMI ».

Concernant les vaccins obligatoires ou recommandés, MDM souligne que seul le DTP (diphtérie-tétanos-poliomyélite, obligatoire) a « un taux de couverture vaccinale globalement satisfaisant » avec « près de 90% » des adultes roms vaccinés et 71% des enfants de moins de 2 ans.

Pour le BCG (tuberculose), « si les petits de moins de 2 ans sont ‘relativement’ mieux vaccinés (65, les plus âgés le sont nettement moins souvent » avec une taux de vaccination « autour de 35% », alors que « la tuberculose touche essentiellement les personnes en situation de précarité et/ou migrants originaires de pays où la maladie existe à l’état endémique ».

Quant au vaccin ROR (rougeole, oreillons, rubéole), « 55% des Roms sont vaccinés contre 90% de la population générale en France » et « seuls deux enfants de moins de 2 ans sur neuf sont vaccinés alors qu’il s’agit, pour ce vaccin, de la population prioritaire et présentant le plus de risques de complications », poursuit l’enquête qui note que 42% des personnes interrogées « ne savent pas où aller pour se faire vacciner ».

Pour faire face, MDM préconise « l’organisation de campagnes de vaccinations sur les lieux de vie, de façon conjointe avec les services publics », mesure qui « permettrait ainsi d’assurer la protection ‘immédiate’ des populations, surtout en période d’épidémie, et d’accéder par la suite plus facilement au système de droit commun ». Mais, ajoute l’association, « encore faut-il pouvoir garantir la stabilité des populations sur leurs lieux de vie ». AP

 

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