Le mouvement Emmaüs a décidé vendredi de « rompre tout dialogue avec le gouvernement » sur la question de l’accueil des migrants à Calais, dénonçant « l’inertie malsaine du gouvernement », a-t-il annoncé à l’issue d’une réunion avec le ministre de l’Intérieur.
« Révolté par l’inertie malsaine du gouvernement et par l’incapacité de son ministre de l’Intérieur à apporter enfin des réponses adaptées à l’ampleur de la catastrophe humaine à Calais, j’ai décidé (…) de rompre tout dialogue avec le gouvernement », a annoncé Thierry Kuhn, président d’Emmaüs France dans un communiqué.
Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a reçu vendredi place Beauvau les associations qui se chargent de l’accueil des migrants à Calais, telles que la Cimade, Médecins du Monde, le Secours catholique, Emmaüs ou La Vie active.
Pour Thierry Kuhn, « une catastrophe à grande échelle s’annonce à Calais dans les jours qui viennent à l’approche de l’hiver ».
« Sciemment, délibérément, par aveuglement ou perfidie, le gouvernement se refuse à prendre des décisions qui seules seront de nature à apporter dignité et respect des droits fondamentaux aux 3.000 personnes actuellement bloquées à Calais dans des conditions insupportables et honteuses pour notre République », affirme-t-il.
Dénonçant « le décalage abyssal entre l’indécence des moyens mis sur la table et ceux qu’appelle la réalité de la situation », le président d’Emmaüs France juge notamment « choquant » d’entendre « les représentants du gouvernement se féliciter de la création du centre Jules Ferry quand on sait qu’il n’abrite qu’un nombre infime de femmes et d’enfants, laissant des milliers de personnes dormir dehors ».
Mercredi, M. Cazeneuve avait rappelé que les possibilités d’accueil des femmes et des enfants allaient être élargies à Calais « dans le cadre du plan grand froid ». Vendredi soir, il a précisé aux associations que 200 places de plus allaient être créées au centre Jules Ferry pour les publics vulnérables.
Et il a reconfirmé, comme l’avait annoncé Manuel Valls en août, la création de 1.500 places supplémentaires à Calais en 2016.
Déplorant « qu’un accueil digne – qui apporte au minimum toit, vivre, soins et accompagnement social – se négocie petitement, avec +des bouts de chandelle+ », le mouvement Emmaüs ne veut « pas servir d’alibi à une catastrophe cyniquement organisée au plus haut sommet de l’Etat ».
« Notre priorité reste le combat politique pour l’ouverture des frontières avec l’Angleterre et la renégociation des accords du Touquet », dit-il, regrettant que le ministre de l’Intérieur ait écarté cette idée « sous couvert de la théorie infondée de l’appel d’air ».
« Le gouvernement devra assumer seul les conséquences humaines de sa politique irresponsable », conclut M. Kuhn.
De son côté, l’association Médecins du Monde a précisé n’être « pour l’instant pas en rupture de dialogue avec le gouvernement », mais qu’elle n’était « pas satisfaite de ce qui est proposé, notamment du point de vue sanitaire », a dit à l’AFP Jean-François Corty, responsable des missions France. « Le ministre nous a promis une réunion rapidement avec le ministère de la Santé, ce que nous réclamons depuis longtemps », a-t-il ajouté.
Médecins du Monde ne se satisfait pas non plus « des délais. On ne peut pas attendre plusieurs mois pour mettre les personnes à l’abri », a ajouté M. Corty. « On va faire le forcing, faire pression, sinon on reconsidérera la question de notre engagement » à Calais, a-t-il prévenu.