Les exclus de l’accès aux soins, oubliés de la campagne
Nul besoin de sondage pour savoir que la santé est l’un des sujets qui préoccupent le plus les Français. Et pourtant, ce thème est très rarement abordé dans les débats politiques. Alors que la France est entrée en campagne pour la présidentielle, l’analyse des prises de parole des principaux partis en lice pour les échéances électorales de 2012 fait peu de place à la santé, hormis sur les questions de financement de la sécurité sociale et de l’offre de soins.
A quelle raison imputer la relégation politique d’un thème qui passionne et inquiète autant les Français? A cette croyance longtemps entretenue – à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières – que la France disposait du meilleur système de santé au monde? C’est en tout cas ce que se plaisait à affirmer, en 2000, un classement de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
De fait, on ne saurait nier que de réelles avancées en termes d’état de santé général ont été réalisées : ainsi, en un quart de siècle, les femmes et les hommes de 35 ans ont gagné respectivement 4,4 et 5 années d’espérance de vie. Mais au prix de quelles inégalités entre les catégories sociales? Aujourd’hui, une femme cadre de 35 ans peut espérer vivre 3 ans de plus en moyenne qu’une femme ouvrière du même âge. Un écart qui double pour les hommes.
Depuis 25 ans, Médecins du Monde a fait le choix en France de développer des programmes de soins et de prévention pour les personnes les plus fragiles et marginalisées au sein de notre société. Soigner les plus exclus et témoigner de leur état de santé: tels sont les deux objectifs que nous revendiquons. En 2011, la situation est préoccupante. Augmentation de 10% des consultations dans les centres de soin de Médecins du Monde, + 30% de mineurs entre 2008 et 2010 et seuls 23% des personnes que nous recevons ont un logement stable.
Pourtant des solutions existent. Lutter contre la machine inégalitaire n’est certes pas tâche aisée. Mais trois conditions sont au moins nécessaires :
- Garantir un système de santé solidaire
- Réaffirmer le primat des politiques de santé publique sur des politiques répressives
- Renforcer les politiques de prévention
Dans les semaines à venir, nous allons continuer à témoigner au travers de situation concrète sur le terrain que l’état de santé des personnes les plus précaires est préoccupant, que l’accès aux soins se réduit, que de plus en plus d’entre nous renonce à se faire soigner pour des raisons financières, que la stigmatisation des populations Roms, des étrangers, des usagers de drogue sont autant de facteurs qui aggravent leur état de santé. Nous mettrons aussi en avant des solutions originales, expériences issues de notre pratique terrain depuis de nombreuses années auprès des personnes exclues.
Olivier Bernard et Pierre Salignon