« Le centre de premier accueil (CPA) est un beau projet. Mais le processus d’orientation des migrants en aval est entravé aujourd’hui », explique Pierre Ramel, coordinateur régional de la délégation Ile-de-France de Médecins du Monde (MDM). L’organisation non gouvernementale, partenaire sanitaire (avec le SAMU social de Paris) du dispositif ouvert le 10 novembre 2016, dont l’opérateur est Emmaüs Solidarité, dénonce le manque d’anticipation de l’État, qui met à mal la capacité du CPA à accueillir les migrants qui se présentent chaque jour (50 à 80, en théorie).
160 centres d’accueil
Après une évaluation administrative, sociale et sanitaire au sein du CPA, ces primo-arrivants devraient être orientés vers les quelque 160 centres d’accueil et d’orientation (CAO) présents dans l’Hexagone. Ou, pour les « dublinés » – la convention de Dublin veut qu’un migrant dépose une demande d’asile dans le premier pays de l’espace Schengen où il a laissé ses empreintes – vers les centres d’hébergement d’urgence (CHU) franciliens, le temps de la procédure de réadmission. Quatre-vingt-dix pour cent des personnes accueillies dans le CPA relèvent de ce règlement. Or les CHU sont « saturés ou en passe de l’être », assure MDM, qui demande donc à l’État, et plus particulièrement au ministère de l’Intérieur, de permettre leur orientation vers les CAO.
« La chaîne est grippée et cela risque d’empirer avec l’arrivée de nouveaux exilés, mais aussi des migrants qui ont été déboutés de leur demande d’asile en Allemagne ou en Scandinavie, ou encore une météo qui se fait plus clémente… », craint Pierre Ramel. Plutôt bien dimensionné à l’origine, le centre du 18e tend à être saturé dès que les départs ne se font pas. Ce qui signifie : impossibilité d’accueillir et de mettre à l’abri les nouveaux arrivants, exacerbation des tensions et des violences à l’intérieur et à l’extérieur… D’autant que les 200 places supplémentaires qui devaient ouvrir fin 2016, pour porter la jauge de 400 à 600, n’ont jamais été ouvertes. « On nous dit que c’est à l’examen. Mais nous n’avons plus de réponse de l’administration depuis des mois », soupire Pierre Ramel.
1 473 consultations médicales
Quelque 5 600 personnes accueillies (3 950 hommes, 1 168 mineurs isolés et 490 femmes) ont été accueillies dans la bulle, entre le 10 novembre et le 16 février. Parmi les 3950 hommes hébérgés (les autres sont dirigés vers d’autres structures), 44 % (1 746) sont passées par le pôle santé pour un bilan infirmier. Et 84 % ont vu un médecin de l’équipe de MDM. Au total deux médecins, six après-midi sur sept, ont assuré 1 473 consultations médicales (soins de première ligne) et 260 consultations de santé mentale.
Selon les chiffres de MDM, au registre des suspicions de pathologies à risque infectieux épidémique, ont été recensés 68 cas de gale, 1 cas de rougeole, 2 de tuberculose, et 5 de varicelle. Les diagnostics médicaux relèvent pour un tiers de la sphère ORL (33 %, infections respiratoires surtout), pour 20 % de la dermatologie, pour 17 % de l’orthopédie, 14 % de la gastroentérologie, 8 %, de la santé mentale, et 7 % du dentaire.
Et 248 personnes ont été orientées vers le droit commun (les permanences d’accès aux soins de santé). MDM (qui maraude également dans la rue aux abords du centre 3 fois par semaine) est censée rester 4 mois le temps de l’évaluation du dispositif, et devrait aussi assurer des consultations de santé mentale dans le centre d’Ivry pour les femmes et publics vulnérables. Parmi ses plaidoyers, l’ONG demande qu’une PASS avancée dédiée soit installée dans le CPA ; et que soit levée la Convention de Dublin.