Emmanuel Macron est attendu mardi à Calais, où, depuis plus de 20 ans, des migrants affluent dans l’espoir de se rendre en Grande-Bretagne, sans être dissuadés par les démantèlements successifs de leurs campements.
Ils seraient ainsi environ 600 aujourd’hui selon les associations, dont une centaine de mineurs et une majorité d’Afghans, d’Érythréens et d’Éthiopiens. La préfecture en dénombre, elle, 350. Ils étaient 7.400 lors du démantèlement de la « Jungle » en octobre 2016.
Pourquoi des migrants restent-ils à Calais ?
« Pour rejoindre l’Angleterre ! », répond en cœur un groupe de réfugiés stationné dans une zone industrielle de la ville. Parmi eux, un Ethiopien de 32 ans, à Calais depuis six semaines: « je suis monté cinq fois dans un camion, mais j’ai été débarqué, c’est tellement contrôlé, alors j’attends ». Les migrants sont « persuadés » que l’Angleterre « est un eldorado: pour la langue, ils y ont parfois des proches, ils pensent qu’ils pourront travailler plus facilement et, surtout, il y a une rumeur tenace: les accords de Dublin (prévoyant qu’un migrant doit demander l’asile dans le premier pays où il laisse ses empreintes) ne s’y appliqueraient pas », explique Loan Torondel de l’Auberge des Migrants. Il réclame « des voies de passages sûres et légales » entre les deux pays.
Par ailleurs, « historiquement, c’est à Calais que les gens passent, donc les passeurs poussent les réfugiés à venir ici », poursuit-il. Selon le parquet de Boulogne-sur-Mer, 14 filières de passeurs ont ainsi été démantelées en 2017. De source policière, 60.000 migrants ont été trouvés dans des camions en 2016, et 30.000 en 2017 aux ports de Loon-Plage et de Calais et au Tunnel sous la Manche.
Pour ralentir ces camions en partance pour l’Angleterre et tenter de monter à l’intérieur, les migrants installent encore certaines nuits des barrages sur la rocade portuaire, comme jeudi soir. Des opérations périlleuses: 14 sont morts dans le Calaisis en 2016, quatre en 2017 et déjà un en 2018, pour la plupart percutés par des véhicules.
Dans quelles conditions vivent-ils ?
Depuis le démantèlement de la +Jungle+, ils n’ont plus d’abri fixe. Les associations leur distribuent vêtements, tentes, duvets et nourriture quotidiennement, selon Vincent de Coninck du Secours Catholique. Des points d’eau, des toilettes et des douches ont été installés par la préfecture, mais « la gale est omniprésente à Calais », selon Brice Benazzouz de Médecins du Monde, qui pointe aussi « les maladies ORL, mal de dos, contusions liées aux tentatives de passage ». « Ce qui nous inquiète, c’est la santé mentale, il y a une détresse psychologique absolue sur le littoral », relève-t-il également.
Que propose l’Etat ?
Depuis début décembre, des conteneurs et un hangar de 210 places accueillent certaines nuits, « en fonction des conditions climatiques », des migrants. Ce dispositif a été activé 16 fois.
Depuis août, trois centres d’accueil et d’examen de situation (CAES) censés « permettre un examen accéléré des situations administratives » ont aussi été ouverts dans le département. Des maraudes continuent d’être organisées au quotidien pour convaincre les migrants de rejoindre ces structures, où 415 personnes ont été accueillies selon la préfecture: 50 ont « entamé une démarche d’asile » et 55 « ont bénéficié du dispositif d’aide au retour volontaire ». Quid des 310 autres (retour à Calais, encore sur place..)? La préfecture ne le précise pas.
Pour les mineurs isolés, des centres existent dans le département notamment à Saint-Omer où « 2.012 personnes se déclarant mineures ont été mises à l’abri » en 2017.
Quel est le dispositif sécuritaire ?
Quelque 450 policiers et gendarmes renforcent le dispositif local, selon la préfecture. Au total, ils sont 1.160 sur le Calaisis.
« Les consignes sont: +tolérance 0 quant aux implantations de camps+ », affirme Gille Debove, du syndicat SGP Police-FO. Il faut « éviter la reconstitution de nouveaux bidonvilles », répète la préfecture.
Ainsi, « le travail des policiers est de démanteler tous les mini camps. Le matin, les forces de l’ordre disent aux migrants sur place de partir, certains prennent leurs affaires et partent, d’autres s’enfuient en laissant tout derrière eux et dans ce cas, les affaires sont emportées », explique M. Debove.
Les associatifs le déplorent: « On peut difficilement comprendre cette volonté gouvernementale de saccager systématiquement toutes les tentes. Quand cela se passe chaque jour, c’est du harcèlement », dénonce Jean-Claude Lenoir de l’association Salam. La préfecture confirme faire procéder au « retrait des abris de fortune », mais dans « le respect de la déontologie policière ».
En octobre, un rapport officiel sur « l’évaluation de l’action des forces de l’ordre à Calais et dans le Dunkerquois » a jugé « plausibles » certains abus des forces de sécurité contre des migrants et le parquet de Boulogne-sur-Mer a enregistré en 2017 une dizaine de plaintes des associatifs pour « violences policières ».