« Se soigner est devenu un parcours du combattant pour les plus démunis »

Dr Jean-François Corty, directeur des missions France à Médecins du Monde, dresse un bilan alarmant de l’accès aux soins pour les plus démunis.

Mercredi 17 octobre se tient la Journée Internationale de refus de la misère. Quel bilan dressez-vous ?

Nous sommes en situation d’urgence sanitaire. Tous les indicateurs sont dans le rouge. Nous avons dressé un bilan annuel, qui soulève de nombreux problèmes. Nous constatons, de façon générale, une dégradation des conditions d’accès aux soins des plus démunis. La fréquentation des centres est en croissance constante et rapide. Se soigner est devenu un parcours du combattant pour les plus démunis. Plus de 98% d’entre eux vivent en dessous du seuil de pauvreté, et un tiers retarde ses soins. Un autre constat alarmant concerne les mineurs reçus dans nos centres : leur nombre a augmenté de 48 % depuis 2008. La loi leur garantit pourtant en principe un accès inconditionnel au système de soins.

La crise a t-elle empiré les choses ?

La crise économique impacte la précarité et augmente les besoins. Il y a d’ailleurs ce que l’on appelle les « nouveaux exclus », qui sont des citoyens Français, en situation de grande précarité. Trop riches pour obtenir la CMU (couverture de maladie universelle), et trop pauvres pour avoir une mutuelle. Le système de santé actuel est de moins en moins solidaire. Il y a de moins en moins de remboursements donc le reste à charge est de plus en plus conséquent. Cela a indéniablement un impact sur les dispositifs de santé publique. Continuer la lecture

« A Médecins du Monde, on dit qu’un soin sans témoin ne sert à rien »

 

jeudi 26.04.2012, 05:02 – La Voix du Nord

 Cécile Bossy, 30 ans, est arrivée sur le littoral pour Médecins du Monde début mars. Ph. ®S. ALCALAY Cécile Bossy, 30 ans, est arrivée sur le littoral pour Médecins du Monde début mars. Ph. ®S. ALCALAY

|  • LE VISAGE DE L’ACTUALITÉCÉCILE BOSSYCOORDI |

L’association Médecins du Monde est présente à Calais depuis 2002, et à Dunkerque depuis 2006. Elle apporte aux migrants une aide médicale. Elle tente d’améliorer les conditions sanitaires dans les jungles. Elle témoigne de ce qu’elle y voit. Et ça demande beaucoup d’énergie. Cécile Bossy, 30 ans, a remplacé début marsMathieu Quinette en tant que coordinatrice des actions MDM dans le Dunkerquois.

PAR ESTELLE JOLIVET

dunkerque@lavoixdunord.fr

Vous êtes arrivée il y a deux mois. Quel regard portez-vous sur la situation ?

« J’essaie de passer du temps sur site, pour voir ce que les migrants attendent de nous. Je rencontre aussi nos partenaires, je discute avec les bénévoles. Certains sont des exemples de force de conviction. Ils remettent l’individu au centre. Et dans ce cas, il n’y a pas de « on ne peut pas », c’est « vous allez voir, on pourra ! ». » En décembre, la Police aux frontières annonçait que les migrants avaient quasiment disparu du Dunkerquois.

Qu’en est-il ?

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La santé, un souci pour tous, mais un voeu pieux pour les candidats

Nous poursuivons notre série sur les sujets évités par la campagne présidentielle. Tous les candidats à la présidentielle ont affiché leur volonté de garantir un égal accès aux soins à tous. Au-delà de l’intention louable, la santé reste relativement absente des débats, alors même qu’elle est l’un des premiers sujets de préoccupation des Français. Sans doute pour éviter d’aborder un sujet qui risque de fâcher…

 

(Illustration Santé - GILE MICHEL/SIPA)

(Illustration Santé – GILE MICHEL/SIPA)

Pour une fois, tous sont d’accord : l’accès aux soins de tous les Français est primordial. Le programme santé des candidats à la présidentielle s’arrête là. Quelques vagues propositions par-ci, par-là et le débat s’en va. « La santé a toujours été un sujet difficile à aborder en période électorale, au-delà de la question financière », note Olivier Bernard, président de Médecins du Monde France.

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Le 115 ne répond pas pour plus de la moitié des sans-abri

58% des demandes d’une place en hébergement d’urgence formulées cet hiver auprès du Samu social (115) par des personnes ou familles sans domicile suivies par Médecins du Monde (MDM) n’ont pas reçu de réponse, selon une enquête réalisée par l’association. En janvier et février, « nos équipes ont effectué 190 signalements » au 115, ce qui représente 213 personnes dont 23 familles avec 66 enfants, explique MDM dans cette étude publiée mardi et portant sur sept villes (Saint-Denis, Marseille, Strasbourg, Grenoble, Lyon, Montpellier et Toulouse). Continuer la lecture

« Travailler pour les prostitués devient dangereux »

Prostitution La loi sur le racolage passif accroît la violence envers les prostituées chinoises

Elles disent qu’elles sont là pour « manger de l’amertume ». Et cela se voit sur leurs visages fatigués, qui se pressent dans le Lotus Bus de Médecins du monde ce soir. Il ne fait pas bien froid, pourtant elles sont emmitouflées dans de grandes écharpes, comme pour se cacher. Certaines prennent les sachets de préservatifs qu’on leur distribue sans un mot, mais la plupart échangent et plaisantent avec les bénévoles. Car ici, elles ont droit à la considération dont elles sont cruellement privées au quotidien.
Originaires du Nord de la Chine (1), la désindustrialisation de la région les a, pour beaucoup, laissées sans travail. Une catastrophe dans un pays où tout le système de sécurité sociale est lié à l’emploi. Seule porte de sortie, l’exil. Mais une fois en France, leur statut de migrantes non francophones leur offre peu de possibilités. La prostitution est souvent leur seul moyen de survie. Elisa, qui vit dans un dortoir de 17 m2 qu’elle partage avec quinze femmes, n’aurait jamais pensé « devoir faire cela, mais je n’ai pas d’autre choix ». Elégante, elle porte un serre-tête et un joli manteau noir. Mais à voix basse, elle raconte un quotidien de violences et d’angoisses.
Comme un millier de ses congénères (2), Elisa sillonne l’Est parisien dans un périmètre qui va de la porte de Clignancourt (18e) à la porte de Vincennes (12e), en passant par République et la gare du Nord (10e), à la recherche du client et de l’anonymat. Une façon de pratiquer leur activité qui leur a valu le nom de « marcheuses ». « Travailler comme je le fais dans la rue, c’est très dangereux, reconnaît Elisa. Je ne comprends pas pourquoi on ne nous autorise pas à nous regrouper dans un même lieu, ce serait plus sûr pour nous. » Elle ne comprend pas non plus l’attitude de la police, parfois agressive à l’égard de femmes que leur isolement soumet à tous les arbitraires.

« J’ai peur de tout »
Une attitude également dénoncée par une étude de Médecins du monde réalisée entre juin 2010 et octobre 2011 auprès de cinquante-six femmes. 22,8 % d’entre elles auraient été interpellées plus de cinq fois, voire plus de dix fois, pour « racolage passif » (lire ci-dessous). « Les policiers m’ont dit que je faisais des signes aux voitures, mais ce n’était pas vrai.

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Olivier Bernard (Médecins du monde) : « Une carte vitale pour tous »

Médecins du monde lance le 29 février sa nouvelle campagne de mobilisation en vue d’interpeller les candidats aux élections de 2012. Pour l’organisation non gouvernementale, les questions de santé peinent à émerger des débats électoraux. Entretien avec Olivier Bernard, président de Médecins du monde.

Vous lancez le 29 février une campagne qui interpelle les Français avec cette question : « Le meilleur système de santé au monde ? ». Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?
En France, nous avons longtemps tenu pour acquis que nous avions le meilleur système de santé au monde. Nous en sommes aujourd’hui bien loin. Avec cette campagne, nous souhaitons partager les constats préoccupants que nous faisons chaque jour sur le terrain. Le sujet de la prise en charge mère-enfant nous semble particulièrement refléter les dysfonctionnements de notre système de santé. Par exemple, 68% des femmes enceintes qui nous consultent n’ont pas accès aux soins prénataux et deux tiers des enfants ne sont pas à jour de leurs vaccinations. Autre constat : un quart des personnes prises en charge par nos équipes se font soigner trop tardivement avec des symptômes qui se sont aggravés. Si ces problèmes se rencontrent auprès de ceux qui vivent à la marge de notre société, des plus précaires, nous commençons également à les observer dans la population générale. Continuer la lecture