« La protection de la population mondiale doit passer avant la logique du profit »

« La troisième voie proposée par la directrice générale de l’OMC n’est qu’une nouvelle réponse de  ‘business as usual’ orchestrée par les intérêts des principaux détenteurs de brevet, et par cela,  semble détourner l’attention des véritables solutions pour l’élargissement des capacités mondiales de production, déclare le Dr. Philippe de Botton, président de Médecins du Monde France. A ce propos, l’Inde et l’Afrique du Sud ont proposé de lever quelques dispositions des accords sur les Aspects de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, notamment les droits d’auteur, les dessins et modèles industriels, les brevets et les secrets d’affaires. Obtenir un consensus autour de ce texte devrait être la solution privilégiée par l’OMC ».

En laissant le contrôle des technologies sur les vaccins et autres technologies de santé aux détenteurs des brevets, les pays à revenus élevés confient la réponse à la crise Covid-19 à une poignée d’acteurs du secteur privé qui décident quand, où et à qui distribuer le vaccin. Cela confirme l’impuissance des Etats à se pencher sur les véritables solutions fondées sur la coopération et les priorités de santé.  

LA VOIX EST LIBRE .

De 1979 à 2020 de Paris avec les maraudes et la réduction des risques, la Bosnie, l’Uruguay, l’Afghanistan, Haïti, la Syrie, Calais, France, et dans le Monde. Venez découvrir les actions de Médecins du Monde ici et là-bas depuis 40 ans.

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Dr Florence Rigal, Médecins du Monde : « Le don ? Une manière de ne pas se résigner »

Trésorière du conseil d’administration de Médecins du Monde, le Dr Florence Rigal rappelle que l’ONG française a été fondée par des médecins et défend les valeurs profondes d’une médecine guidée par la dignité humaine. Que ce soit sur le terrain ou par le don, elle a permis depuis 40 ans à de nombreux médecins de s’engager. Interview.
 

Médecins du Monde fête ses 40 ans cette année. Quand l’association est née en 1980, quels étaient ses liens avec le monde médical français ?
 
Ceux qui ont créé Médecins du Monde sont des médecins français, les liens sont donc constitutifs et historiques ! Très longtemps, le conseil d’administration n’a compté presque que des médecins ayant en commun cette volonté de soigner mais aussi de témoigner des situations vécues sur le terrain. Pour que les choses bougent, il faut pouvoir témoigner auprès de l’opinion publique, mais aussi des institutions et de divers acteurs en France et dans le monde.
 
Les médecins sont (encore) très écoutés. Votre mission est donc aussi d’alerter ?
 
Tout à fait, c’est pourquoi nos volontaires présents au Rwanda avant que le génocide ne se produise en 1994 ont raconté la violence qui montait et relayé des témoignages de personnes prises dans le drame. Quelques années plus tôt, en ex-Yougoslavie, Médecins du Monde a également été un témoin important des violations de droits humains. Nous sommes médecins, nous parlons toujours de ce que nous voyons, des effets sur la santé des personnes ou de l’inexistence ou des dysfonctionnements des systèmes de santé. Nous pouvons dénoncer aussi parce nous agissons sur le terrain.
 
Et quel est le rôle du donateur dans ce combat ?
 
Toutes les actions dont je parle ne sont possibles que parce que des donateurs souhaitent que l’on agisse. Médecins du Monde est une organisation médicale qui s’est bâtie avec ses donateurs. Notre responsabilité sur le terrain est d’honorer les dons, dons qui nous permettent en même temps de maintenir un lien vivant avec la société. Dans les années 1990, ce que nous avons entrepris autour de la réduction du risque pour les usagers de drogue, en pleine épidémie de VIH/sida, a permis par la suite de convaincre des institutions, alors qu’elles refusaient jusque-là de financer ce type de programme. Mais pour faire bouger les lignes, il faut des sous ! Les dons permettent d’acquérir une indépendance financière et donc politique. Cette indépendance nous permet alors d’intervenir très vite face à une urgence ou de bâtir des programmes de long terme, comme nos programmes santé et environnement au Népal ou encore aux Philippines, parfois difficiles à faire financer. Nous les portons d’abord sur nos fonds propres avec l’idée qu’un jour, il y aura un relais. Les dons sont une force pour entreprendre.
 
Sur le terrain, quelle est la vision médicale défendue par Médecins du Monde ?
 
Nous n’arrivons pas dans un pays pour imposer notre manière de voir, une méthode ou des équipes, puis repartir subitement comme nous sommes arrivés. A l’international, nous faisons en sorte d’impliquer les acteurs locaux, en premier lieu desquels les médecins. Nous apportons un peu de formation, bien sûr, puis nous nous articulons avec le local : nous recrutons local et nous nous adaptons aux manières de travailler et au système de soins sur place. Le but n’est pas de transposer mais de s’adapter et d’impulser un changement. Ensuite, par la formation notamment, nous cherchons toujours à transmettre et pérenniser des savoir-faire, aussi bien dans l’acte que dans le protocole ou l’organisationnel. Nous avons même fait venir en France des médecins étrangers pour les former dans le cadre de l’opération chirurgicale Sourire dédiée aux enfants nés avec des fentes labio-palatines. Comme disait Francis Blanche, « il vaut mieux penser le changement que changer le pansement » ! Pour y parvenir, cultiver une vision solidaire de la médecine est indispensable.
 
Au fond, ce sont les valeurs profondes de la médecine ?
 
Oui, je crois. Choisir d’être médecin, c’est agir pour le bien des autres et pour leur dignité. Mais comme tout le monde ne peut pas s’engager sur le terrain, un bon moyen de le faire est de devenir donateur. Attention ! Il ne s’agit pas de se débarrasser du sujet, mais de participer à une action collective. Le don, c’est du concret et une manière de ne pas se résigner.
 
Envie de donner ?