Dimanche 11 janvier, la France acclamait sa police, endeuillée dans les attentats des jours précédents. Aujourd’hui, une des principales associations internationales de défense des droits de l’homme, Human Rights Watch, dénonce les violences des forces de l’ordre envers les populations de migrants en attente d’un passage pour la Grande-Bretagne à Calais (Pas-de-Calais).
« En novembre et décembre 2014, j’ai réalisé des entretiens longs avec quarante-quatre migrants dont trois mineurs, explique Izza Leghtas, chercheuse pour l’organisation. Dix-neuf m’ont déclaré avoir été maltraités au moins une fois par la police. Une maltraitance pouvant notamment signifier un passage à tabac. Huit avaient eu un membre cassé et vingt et un, dont deux enfants, avaient été aspergés de gaz. » Son travail n’a rien de statistique. Mais il confirme ce que chaque visiteur entend dès qu’il se rend sur un campement du Calaisis où vivent 2 200 personnes.
Le Monde a pu le vérifier lors de ses deux derniers reportages. Mercredi 14 janvier, dans le campement installé sur le site de l’usine Tioxide, Eifanka, un jeune Pakistanais, ouvre la conversation sur sa jambe cassée « par les coups de policiers », dit-il. Si aujourd’hui sa fracture est guérie, il lui reste l’incompréhension. « Pourquoi m’ont-ils frappé alors que je ne faisais rien ? Je n’essayais même pas de passer. Comment acceptez-vous cela, vous les Français ? », s’interroge cet ex-étudiant en sciences politiques.
A coups de bottes et de matraque
Lors de notre visite précédente, le 17 décembre 2014, c’est de « gazage » qu’il était question sur le campement qui jouxte le supermarché Leader Price. Un boulanger avait donné un surplus de pain, déposé à l’entrée de la « jungle ». Une nourriture détruite à coups de gaz lacrymogène, selon des migrants. Une bénévole de Médecins du monde, Nadine Rubanbleu, n’est pas étonnée : « Parfois, c’est dans la rue, parfois, c’est en essayant de passer qu’ils sont gazés ou frappés. » L’humiliation qui la révolte le plus, c’est « ces hommes et ces femmes lâchés pieds nus, chaussures confisquées, au milieu de nulle part, après avoir été pris en train de monter dans un camion ». Continuer la lecture